Marie Pape-Carpantier. Des leçons de choses

Deux articles pour La revue de l’éducation nouvelle en janvier et février 1849, republié d’un pièce dans L’Ami de l’Enfance d’août 1857.

[Revue de l’éducation nouvelle, janvier 1849]

[33] Des leçons de choses (1)

(1) Extrait d’un Recueil de Leçons de choses. [Référence non identifiée]

« L’enseignement à donner dans les écoles maternelles ne doit pas être le même que l‘enseignement donné dans les écoles primaires » : tel est l’avis unanime de toutes les personnes qui ont compris les besoins de l’enfance, et déduit les conditions dans lesquelles une école maternelle doit se tenir pour satisfaire à ces besoins.

Quel est l’objet de cette interdiction et que signifie-t-elle ? Proscrit-on les matières mêmes de l’enseignement donné dans les écoles : la lecture, le calcul, la géographie ? Cependant tout le monde convient que l’école maternelle doit, au moins comme passe-temps, ébaucher dans l’esprit des enfants les premières notions des choses utiles, dont les développements leur sont réservés au sein des écoles primaires. Et, en effet, dans les écoles maternelles les mieux organisées et les mieux dirigées, dans celles où l’enfance est non seulement disciplinée, mais heureuse, ou non seulement l’œil du visiteur charmé, mais aussi son esprit et son cœur ; dans ces écoles on parle aux enfants de calcul et de géographie ; on leur apprend à lire et à chanter ; on les entretient de dessin et même de grammaire, d’histoire sainte, d’histoire naturelle ; enfin on les occupe de tout ce qui est enseigné dans les écoles primaires, et même de bien plus de choses encore ; et pourtant, je le répète, les enfants des écoles maternelles sont gais et heureux, et le visiteur amené sans prévention devant cette petite population active se trouve le cœur à l’aise, parce qu’il sent que toute cette activité de l’esprit et du corps est calculée de manière à satisfaire maternellement les facultés naissantes, sans les exalter ni les refouler.

Si donc les enfants peuvent être heureux en apprenant les premières notions de l’enseignement donné dans les écoles primaires, ces notions ont le droit d’entrer dans les écoles maternelles ; ce ne sont point elles, ce n’est point la matière de l’enseignement qu’on a entendu proscrire.

Car le fond des choses est le même partout ; au collège comme à l’école, deux et deux font quatre. Seulement il y a plusieurs manières de l’enseigner. Cette manière, c’est la méthode ; et comme les méthodes, qui ont tant d’influence sur les résultats de l’éducation en général, varient selon les établissements, les amis judicieux de la première enfance ont dit : « Nous ne voulons point dans l’école maternelle de l’enseignement des écoles primaires, c’est-à-dire : de la méthode qu’on y emploie. »

Au-delà de l’école enfantine l’enseignement est tout dogmatique, tout carré, sec et froid comme une addition ; prévu, monotone comme la marche d’une aiguille sur le cadran d’une montre ; stérile enfin pour la majorité des élèves, comme tout ce qui les ennuie, comme tout ce qui ne se rattache à rien de ce qui les préoccupe et les intéresse.

Dans l’école maternelle bien comprise, toute leçon, au contraire, est attachante pour les enfants, parce que la nature ou le cadre en a été indiqué à leur insu par leurs propres dispositions. Elle est facile à comprendre, parce que, bien qu’elle soit conforme à la science, elle est donnée sans prétention scientifique. Les sujets les plus froids s’y revêtent d’une douce gaieté ; tout y stimule et attire l’attention, parce que tout y est enseigné d’une manière pratique.

Dans les écoles plus avancées, on n’apprend les règles que par les règles ; dans l’école maternelle, on apprend les règles que par les applications : là est toute la différence.

Cet enseignement des règles, des théories au moyen des expériences, est un secret mis en  faveur de la sollicitude des mères au bénéfice des petits enfants ; c’est peut-être un principe de rénovation complète, qui se répandra hors de sa source et pénétrera dans toutes les voies de l’enseignement pour les adoucir et les fertiliser.

Ce bienfait est récent, il date seulement de notre époque, et il n’est pas sans intérêt d’observer l’ordre qu’a suivi la transmission des connaissances d’une génération à l’autre, ainsi que la nature des établissements d’instruction qui se sont succédé jusqu’à nos jours.

À mesure que la civilisation remplaça la barbarie, la science antique sortit peu à peu des cloîtres, où elle avait reçu une génération hospitalité. Des cloîtres elle passa dans les universités. Là elle prit un caractère plus élevé encore et quelque peu ardu ; enfin des universités elle passa dans les collèges.

Dans les collèges, elle s’adressa à des adolescents, et ceux-ci se trouvaient soumis, au nom de la bonne éducation, à un martyr intellectuel évidemment au-dessus de leurs forces ! On les maintient cependant, quoique en les plaignant, sous un joug que l’on croyait indispensable. Toutefois les adolescents étaient déjà presque des hommes, ils avaient la force de souffrir.

Puis on créa les écoles primaires (2), et la science s’adressa à des enfants de sept à treize ans.

(2) Il n’est question ici que des institutions généralement adoptées par le pays.

À ce nom d’enfant, on commença à s’émouvoir. On eut alors la pensée qu’il serait peut-être possible de modifier l’enseignement. On essaya de simplifier quelques procédés. On réussit trop peu ; après tout, les maîtres avaient bien passé sous la férule des anciennes méthodes, les écoliers y pouvaient bien passer.

Enfin s’ouvrit la salle d’asile : là les écoliers étaient de pauvres petites bêtes blancs et roses, aux tendres organes, aux membres fragiles, aux têtes blondes et bouclées, aux regards souriants, confiants, qui semblaient demander grâce !… On ne put se décider à leur parler des variations du participe, du carré de l’hypoténuse, des divisions organiques et inorganiques de la nature. Les anciennes méthodes, placées ainsi en face de l‘œuvre [34] la plus élémentaire, poussées ainsi à leur dernière conséquence, laissèrent éclater toute leur imperfection ; et la faiblesse de l’enfant, militant pour l’adolescent et pour l’adulte, fut d’abord épargnée. Lorsqu’elle eut à enseigner sur un berceau, la science se fit mère, et la mère inventa la leçon de choses.

[Revue de l’éducation nouvelle, février 1849]

[59] La leçon de choses ou leçon pratique se donne à toutes les occasions et renferme tous les sujets, car elle est une méthode et non un sujet lui-même ; elle est cette méthode qui n’enseigne les règles que par les faits, les préceptes que par les œuvres.

En vivant au jour le jour, l’enfant voit, entend, touche mille objets ; la leçon de choses l’intéresse à ce qu’il a vu, entendu, et satisfait aux questions que cet intérêt lui suggère. Ainsi, l’enfant tient sans sa main une pomme ; la main est petite, la pomme est grosse, elle échappe à l’enfant et roule sur la terre : Pourquoi ta pomme a-t-elle roulé ? demande l’institutrice. L’enfant, surpris de cette question, regarde sa pomme, et s’aperçoit qu’elle est ronde !… C’est là de l’enseignement géométrique.

Un enfant pleure parce qu’un autre enfant l’a frappé ou contrarié : Mon ami, lui dira l’institutrice après l’avoir un peu consolé, pardonnez-lui… pour l’amour de Dieu ! L’enfant qui pleurait essuie ses larmes, tend la main au coupable qui rougit de sa faute. L’un est repentant, l’autre vient d’apprendre la douceur ineffable de la clémence ; et tous les deux ont reçu, dans cette petite leçon de choses, une grande leçon de morale.

Au sein de la famille, la mère épie dans le regard de son enfant les impressions de sa jeune âme et les désirs de sa pensée. Elle les devine, elle y répond, et, grâce à l’affectueuse sagacité du cœur maternel, sa réponse est une leçon de choses. Mais la curiosité de l’enfant a déjà changé d’objet, et la leçon de choses, en changeant mille fois d’objets, est toujours demeurée elle-même. Telle est la marche naturelle des premiers enseignements dans la famille.

Mais dans l’asile l’enfant n’est plus seul. Ils sont un si grand nombre que la mère, l’institutrice ne pourrait absolument pas épier les impressions de chacun. D’ailleurs, dans cette réunion, la vie collective, la vie d’ensemble a commencé pour ces petits enfants, et, par cette confraternité de jeux et d’intérêts, il s’est établi dans leurs mouvements moraux comme dans leurs évolutions physiques une harmonie qui a tout simplifié. Les différences individuelles se sont coordonnées dans l’unité. Il n’y a plus cent enfants, cent désirs contraires, cent volontés mutines : il y a une enfance qui vous aime , qui vous attend, toute prête à vous comprendre si vous la comprenez vous-même.

Cette enfance la voilà posée devant vous, sur ce gradin. Après le bruit de la marche, le silence s’établit. Tous les yeux sont fixés sur vous : Qu’allez-vous dire ? qu’allez-vous faire ?… Votre cœur bat ! Pourtant, depuis des années peut-être vous dirigez le même asile ! N’importe ; il y a dans l’enfance quelque chose de si responsable et de si sacré, qu’on ne l’approche point sans émotion… quand on est digne d’elle.

Et puis, l’enseignement à l’estrade c’est la solennité de votre ministère. La docilité de tous ces enfants qui se groupent ainsi volontairement sous votre main vous donne charge d’âmes ; et mieux ils sont disposés à vous entendre, plus ils vous imposent le devoir de leur dire des choses substantielles et salutaires.

Pendant le repas ou la récréation, quand vous parliez à l’oreille de l’un d’eux votre tâche était moins importante : vos paroles devraient avoir moins d’écho ; l’enfant auquel vous parliez n’était qu’un enfant. À l’estrade, tous ces enfants réunis sont comme un public qui va vous apprécier. De plus, ils représentent une génération nouvelle. Tout ce que vous sèmerez aujourd’hui grandira et se multipliera pour l’avenir !… L’institutrice qui a compris sa mission cache à ce moment une pensée bien sérieuse sous la naïveté de ses leçons, une préoccupation bien grave sous la grâce de ses jeux.

À l’estrade, les leçons prennent un peu plus de suite, reçoivent un peu plus de développement. C’est, sous des forces agréables, le commencement de l’enseignement scientifique. Les enfants assis et inactifs ne vont plus, comme dans les autres moments de la journée, au-devant de la leçon : ils l’attendent. La directrice a donc, sauf les évènements, le choix de la matière, et lorsqu’elle vient devant l’estrade son plan est fait. Elle renouera l’entretien sur le sujet qu’elle a traité la veille, amènera graduellement l’esprit de ses auditeurs au sujet qu’elle veut traiter présentement, et ne terminera la séance qu’après avoir tourné la conversation de manière à préparer le sujet qui doit suivre. Ainsi une grande variété se sera manifestée dans l’unité de la leçon, et les divisions principales de temps, passé, présent, futur, ces divisions que l’on peut à peine définir par des mots, se trouveront nettement établies dans l’esprit des enfants par le seul intérêt des leçons qui reliront ensemble hier, aujourd’hui, demain.

Hier, je suppose, vous avez parlé de l’extraction et des usages de la résine, de la poix, du goudron. Vous avez dit que les différentes résines étaient le suc desséché d’un genre d’arbres résineux appelés pins.

Aujourd’hui voici une branche de pin. Cette branche est cou¬ verte d’une multitude de petits rameaux verts, et cependant tous les autres arbres sont depuis longtemps dépouillés de leurs feuilles, car nous sommes au mois de janvier!… Pourquoi donc le pin est-il seul resté vert ?

C’est que le pin n’est pas semblable aux arbres de notre pays. Voyez, il n’a pas comme le châtaignier, comme le saule, de ces feuilles en forme de lames minces, délicates, que le froid de l’hiver fait jaunir et tomber des branches. Le pin est un arbre des pays du nord, et Dieu qui l’a fait naître dans ces pays l’a constitué de manière à résister au froid.

[60] Ici quelques détails, appuyés de démonstrations, sur la forme des pins, leur couleur aux différentes époques de l’année , sur la solidité des ramuscules qui leur servent de feuilles, sur leur manière particulière de croître, et les signes certains auxquels on peut reconnaître leur âge; sur la nature, la forme, l’usage de leurs fruits, etc., etc.

Puis, faisant un retour sur la sagesse de la Providence, qui, tout en remettant le sort de l’homme à la justice et à la charité de l’homme, organise les autres êtres selon le climat où elle les place, dire combien il fait froid dans les pays du nord, dans la Russie, la Sibérie surtout : « Les animaux de ces contrées sont vêtus de chaudes fourrures qui les abritent contre lèvent et la neige. Mais, hélas ! on voit bien souvent des hommes et des femmes malheureux mourir de faim ou de froid, faute du secours de leurs semblables. Oh! si nous le pouvions, comme nous irions, n’est-ce pas, secourir ces pauvres qui sont nos semblables et nos frères en Dieu ! Nous partirions de France, nous irions… Par où irions-nous pour arriver en Russie ? Voyons : la Russie est au Nord, le Nord est le côté opposé au Midi… » Et l’on s’oriente, on cherche sa route à travers la Belgique, l’Allemagne, la Prusse, en passant des fleuves et des montagnes, le tout représenté sur une très-grande carte. Et voilà, en se jouant, une leçon de charité, de botanique et de géographie.

Je le répète, l’enfance vous comprendra, si vous la comprenez. Songez-y donc bien ; ce petit auditoire, composé d’enfants, a toute la mobilité, toute la faiblesse, tous les goûts de l’enfant isolé. Ce que vous êtes pour chaque enfant en particulier, il faut donc que vous sachiez l’être pour votre auditoire. Ayez autant de bonté douce et complaisante, autant de gaieté, de simplicité, de patience, en donnant vos leçons. Et comme la manifestation des désirs et des dispositions de chacun est, à cette heure, contenue dans les limites de la bonne discipline, c’est à vous à pénétrer, pour ainsi dire, dans vos petits enfants, pour savoir ce qui s’y passe; pour deviner ce qu’il leur faut, ce qu’il va leur falloir; pour gouverner leurs désirs, même en les satisfaisant; pour leur donner l’impulsion, même en suivant leurs fantaisies ; enfin et surtout pour épargner à ces petits enfants la lassitude et l’ennui auquel il ne leur serait pas permis en ce moment de se soustraire.

L’heure de l’estrade est, dans les salles d’asile, le temps le plus spécialement destiné à l’instruction des enfants, en même temps que le plus curieux pour les visiteurs.

Pendant les exercices de lecture aux cercles, et d’écriture sur l’ardoise, il n’y a à juger qu’une première soumission des enfants à l’ordre, et une certaine harmonie dans l’ensemble des mouvements qui ont le double but de préparer les élèves aux évolutions de l’école primaire, et de satisfaire dans une sage mesure le besoin d’activité naturel à l’enfance.

Pendant les récréations telles qu’elles se passent encore, ainsi que pendant les repas, il n’y a rien à voir que pour la directrice. Non que pendant ce temps il n’arrive beaucoup d’épisodes ; au contraire, bien des petits dévouements s’y accomplissent avec une touchante simplicité ; bien des petits actes de despotisme s’y produisent avec une ignorante candeur ; bien des petits événements variés s’y succèdent, révélant tous les organisations et les caractères. Mais ceci est pour la directrice seulement. Il n’y a que son esprit exercé qui puisse distinguer dans ces mille bruits une voix, dans ces mille mouvements un geste, dans ces mille faits une intention. Habituée à ce tourbillon, comme les yeux habitués à l’obscurité, la directrice peut seule discerner les détails de ce qui se passe autour d’elle; le visiteur, dans les récréations au préau surtout, n’entend qu’un brouhaha qui l’incommode et le fait fuir.

La récréation représente une très-nombreuse famille en pleine vacance, où chaque enfant livré à lui-même, sauf la surveillance qui doit prévenir le mal, s’occupe et s’amuse à sa guise.

L’estrade montre aussi la famille, mais groupée autour de la mère qui cause et raconte, c’est-à-dire qui captive l’attention, fait battre les cœurs, passionne comme elle veut et pour ce qu’elle veut !… Et pour le dire en passant, qui sait si ce n’est point surtout par ce charme naïf de sa parole, que la mère instruisant l’enfant soit au foyer, soit à l’asile, remplit la mission tutélaire que notre siècle, après Dieu, a confiée au cœur des femmes !

À l’estrade, on joue encore; mais la leçon de choses tire parti , au bénéfice de l’instruction, des jeux et des jouets.

On y exerce encore les facultés physiques, mais on observe et l’on apprécie ces facultés. On s’y félicite franchement des jouissances et des bienfaits qui nous viennent de Dieu ; mais en reconnaissant les biens on reconnaît aussi les devoirs!… Ainsi doucement l’esprit des enfants se recueille, leur âme s’élève; et ces premières impressions de l’être moral qui se découvre peu à peu, sont remplies d’une piété tendre que les âmes religieuses comprendront bien.

Et tandis que les leçons qui procèdent rigoureusement par règles et selon les règles, c’est-à-dire par chapitres bien invariables, bien spéciaux, venant à leur tour, à leur jour, nonobstant les dispositions et les circonstances, ne tenant compte de rien, s’imposant avec sécheresse, sans respect pour la pure joie de l’enfance, sans égards pour sa fatigue peut-être, tandis que ces leçons attristent et se font appréhender, la leçon de choses qui touche à tout, qui relie tout, qui intéresse à tout, la leçon de choses se fait aimer et désirer à toute heure.

L’enseignement à l’estrade est aussi la véritable épreuve, la pierre de touche des facultés de la directrice. La bonté instinctive de son cœur doit se révéler partout ; mais sa bonté intelligente, ou si l’on veut l’intelligence de sa charité, se révèle plus spécialement dans les leçons données à l’estrade. On peut aimer beaucoup les enfants et ne savoir pas les intéresser ; comme on peut avoir une véritable instruction, et ne savoir pas mettre l’alphabet à la portée des enfants ! L’institutrice affectueuse et intelligente, c’est-à-dire complètement capable, se fera comprendre de ses enfants, quelque sujet qu’elle aborde. Sa capacité se trahira par sa manière de converser avec eux, par sa manière de leur dire peu de chose, bien mieux que par la quantité [61] de choses qu’elle leur dira. L’institutrice capable parlera à ses enfants des sujets les plus divers avec une égale clarté; des choses les plus élevées avec la simplicité la plus enfantine; elle saura les intéresser une demi-heure à l’occasion d’une mouche, d’une épingle, d’un grain de blé. Elle leur apprendra cent choses en ne paraissant s’occuper que d’une seule. Des éléments les plus frivoles, elle fera jaillir les plus solides enseignements ; et lorsque finira la séance, on verra les enfants regretter qu’elle ait été si courte, alors que sans doute on la trouverait bien longue, si l’on en pouvait compter les résultats.